Le Nouvelliste, Sion, 31.03.07
Quand Haddock fait l'éloge du fendantBANDE DESSINÉE «L’affaire Tournesol» vient d’être traduite en arpitan, terme qui désigne les patois alpins parlés de Lyon à Aoste en passant par Savièse.LAURENT MISSBAUSERLa perspective de célébrer dignement le 100e anniversaire de la naissance de Georges Remi, né le 22 mai 1907 et plus connu sous le pseudonyme d’Hergé avec lequel il a signé les vingt-quatre albums des «Aventures de Tintin», a incité de nombreux tintinophiles à proposer différentes traductions de «L’affaire Tournesol» en patois. C’est le cas notamment des patoisants de la Gruyère qui présenteront le 22 mai à Bulle une «Afére Tournesol» d’ores et déjà célèbre pour sa traduction en gruérien de la célèbre insulte du capitaine Haddock, moule à gaufres, en «fê a brèchi», c’est-à-dire fer à bricelet.
Lancement à Nyon La semaine passée, c’est Arpitania, une association culturelle de défense de l’arpitan, terme qui désigne l’ensemble des patois alpins parlés de Lyon à Aoste en passant par Chamonix, Martigny, Savièse et Sion, qui a présenté «L’afére Pecârd» à Nyon. Le choix de cette localité vaudoise n’était pas fortuit puisque c’est notamment dans la maison nyonnaise du professeur Topolino que Tintin et le capitaine Haddock avaient recherché Tournesol dans l’affaire qui porte son nom. Au sujet des patois utilisés, on relèvera que Dominique Stich, le traducteur de «L’afére Pecârd», a choisi de faire parler Tintin en patois savoyard, alors que le capitaine Haddock et le professeur Topolino s’expriment respectivement en lyonnais et en vaudois.
Pecârd pour Piccard«L’arpitan est une langue qui connaît une infinité de variétés et qui a donné,dès la fin du XIIIe siècle, une très riche littérature», explique le linguiste franco-suisse Dominique Stich. Par ailleurs, étant donné que le tournesol est une plante qui n’est arrivée en Europe qu’après la découverte de l’Amérique, il a été décidé de traduire Tournesol par Pecârd, version arpitanisée du nom du savant suisse Auguste Piccard dont Hergé s’était inspiré pour créer le personnage du professeur Tournesol. Enfin, les lecteurs valaisans ne manqueront pas d’apprécier le fait que Dominique Stich, dans le louable dessein d’apporter l’une ou l’autre connotations suisses à la plus helvétique des aventures de Tintin, ait laissé le capitaine Haddock faire l’éloge d’un fendant de 1947 – orthographié «fendent» en arpitan – lors de sa visite à Nyon chez le professeur Topolino. Dans la version originale, Hergé faisait dire au célèbre marinier: «Il a l’air fameux votre vin», en spécifiant le millésime, «47», mais sans évoquer toutefois le moindre cépage. «Etant donné que cette version de «L’affaire Tournesol» en arpitan est destinée à être commercialisée aussi bien en France que dans la Vallée d’Aoste,il m’a paru légitime d’évoquer le cépage suisse le plus connu à l’étranger», conclut Dominique Stich.
Pour plus d’infos:
http://tintin.arpitania.eu
Le patois saviésan, membre de l’arpitanL’arpitan, ou francoprovençal, est une des langues romanes avec l’occitan (la langue d’oc) et le français (la langue d’oïl).Son terme désigne l’ensemble des patois alpins et sa racine «arpe» signifie Alpes en
valdôtain. L’appellation arpitan,lancée dans la Vallée d’Aoste il y a une quarantaine d’années, se substitue au terme impropre de franco-provençal qui désignait tous les dialectes,coincés entre la langue d’oc et la langue d’oïl, et utilisés à l’intérieur d’un quadrilatère délimité dans les grandes lignes par Lyon, Neuchâtel,Aoste et Grenoble. Le Valais francophone est membre à part entière de ce quadrilatère.
Le terme francoprovençal (à ne pas confondre avec le provençal) a été créé auXIXe siècle. A mi-chemin entre le groupe des langues d’oïl (d’où le nom de franco) et le groupe des langues d’oc (d’où le nom de provençal),il n’est pas pour autant un mélange de français et d’occitan, mais constitue un groupe linguistique roman distinct. On l’écrit aujourd’hui sans trait d’union, lorsqu’on ne lui préfère pas le terme arpitan qui possède l’avantage de ne faire référence ni à la langue d’oïl ni à la langue d’oc.
On relèvera enfin que les patoisans saviésans connaissent bien le terme francoprovençal. Le tome 1 de la collection consacrée à leur patois, intitulé «Initiation à la grammaire du patois de Savièse» et publié en 1996,comporte en effet un «essai d’étude sociolinguistique d’un patois franco-provençal sur l’exemple du saviésan». Aujourd’hui encore,de nombreux Saviésans parlent le patois.Leur devise est d’ailleurs «Pa capona» qui signifie «Pas question de capituler», une devise qui aurait certainement plu au chevalier François de Hadocque, l’ancêtre du capitaine Haddock! LM
Une langue facile à comprendreL’arpitan,qu’on apèle «patoues»por des résons pas du tot scientifiques, est une lengoua que se prège dens très payis: l’Etalie (Val d’Aoûta et
8 velâdes piemontéses), la Suisse (canton de Geneva, Vôd,Valês et Nôchatél) et la France (Savouè, Liyon, Forêz, bise du Dôfena,mié-jorn de la Borgogne et la Franche-Comtât). Sa litèratura est d’una granta rechèce et la lengoua arpitana est pas tant mâl-ésiê a comprendre.