http://www.forez-info.com/actualite/culture/tintin_parle_l_arpitan_441.html
L'Aliance Culturèla Arpitana annonce le lancement à Lyon de la traduction de L'affaire Tournesol dans la langue populaire de Rhône-Alpes. Cinq ans auront été nécessaires au linguiste franco-suisse Dominique Stich pour terminer sa traduction en arpitan - ou francoprovençal - enfin publiée par l'éditeur historique d'Hergé, les éditions Casterman à Bruxelles.
L’Afére Pecârd est une traduction de l’Affaire Tournesol dans différents dialectes du francoprovençal/arpitan, en particulier des bords du Léman et des environs de Lyon, régions où se déroulent en grande partie les aventures de Tintin et du Professeur Tournesol.
Qu’est-ce que le francoprovençal ?
Les dialectes savoyards, romands, valdôtains… font partie d’une famille que le linguiste italien Graziado Isaia Ascoli a nommée, à la fin du XIXème siècle, francoprovenzale, traduit en français par francoprovençal, aujourd’hui souvent écrit sans trait d’union.
Et l’arpitan ?
Le mot francoprovençal, terme défini par les linguistes, prête à confusion. En effet, les parlers du domaine linguistique ne sont pas un mélange de français et de provençal, bien que ces langues gallo-romanes partagent des traits communs. Le nom arpitan, créé en Val d’Aoste dans les années 1970 à partir d’un terme qui signifie littéralement « celui qui va travailler sur l’alpe », « le berger », prend de l’importance dans son usage.
Bien qu’écrits depuis aussi longtemps que la plupart des autres langues latines, tous ces dialectes, parler lyonnais, patois foréziens, savoyards, suisses romands ou valdôtains n’ont jamais bénéficié d’une orthographe unifiée et présentent de fortes différences, lesquelles concernent surtout la prononciation et le lexique. Les graphies varient non seulement d’un dialecte à l’autre, mais également selon les auteurs.
Malgré cela, avec plus ou moins d’effort, il est possible de se comprendre entre Vaudois, Savoyards, Fribourgeois et Valdôtains par exemple. C’est pourquoi dans l’album de l’Afére Pecârd, Tintin parle savoyard, le capitaine Haddock lyonnais, et les habitants de Nyon (pompiers, passants, professeur Topolino) parlent vaudois, tandis que le chauffard rencontré en Chablais parle valdôtain. Mais pour les besoins de l’unité graphique du livre, et pour présenter un cas pratique et pédagogique d’utilisation d’une orthographe pour l’arpitan, nous avons utilisé la graphie proposée par le linguiste Dominique Stich, l’Orthographe de Référence B (ORB). Pour tous les dialectes du francprovençal/arpitan, une graphie de lecture agréable même pour les non-locuteurs. Cette graphie rapproche l’arpitan de ses proches parents, c’est-à-dire surtout le français, l’occitan (écriture de l’Institut d’Etudes Occitanes) et le catalan (dans sa graphie officiellement adoptée par la Généralité de Catalogne).
Et le titre ? Pourquoi L’Afére Pecârd ?
« Le mot Tournesol a posé un problème dans de nombreuses traductions des albums de Tintin. Déjà en région francoprovençale le tournesol n’a pas une grande tradition, et la plante est souvent désignée par le mot «soleil», mais comment comprendre «l’affaire Soleil» ? Or Hergé a déclaré avoir pris pour modèle de son personnage le professeur suisse Auguste Piccard, le premier à avoir été dans la stratosphère, père du premier à avoir été au fond de la fosse des Mariannes avec le bathyscaphe, et grand-père du premier à avoir fait le tour du monde en ballon. C’est dire si le nom est resté célèbre et bien vivant aujourd’hui !
Restait à trouver une forme francoprovençale à ce nom. «Piquer» se dit «pecar», donc «Pecârd» paraît d’autant mieux adapté que le double c du nom français semble indiquer la brièveté de la voyelle FP, «e» en l’occurrence. C’est donc une occasion de rendre hommage à cette famille lémanique hors du commun, qui se présentait à nous presque spontanément. Pour le mot «affaire», nous avons deux variantes : afâre et afére, la deuxième a été retenue « pour des raisons d’euphonie, la première rimant avec le nom du professeur», explique le traducteur, Dominique Stich lui-même, aidé par des locuteurs de ces différents dialectes.
Écrit par FI