Le Progrès, Saint-Etienne, article du mardi 3 avril 2007
Tintin à la sauce franco-provençale
Passionné de BD depuis son plus jeune âge, le linguiste Dominique Stich a traduit L'affaire Tournesol en arpitan, la langue d'entre Alpes et Jura. Rencontre avec un amoureux des langues populaires.
Comment est née l'idée de traduire L'affaire Tournesol d'Hergé en Arpitan?
« D'une part je suis né en Belgique où la bande-dessinée est une religion. Et puis j'ai appris beaucoup de langues dans ma vie. Je suis tombé sur le franco-provençal un peu par hasard. C'est parce qu'il n'y avait rien sur cette langue que j'ai commencé à écrire des livres dessus. Je trouvais dommage qu'une langue si riche soit complètement oubliée par l'Éducation nationale, alors j'ai utilisé comme support la bande dessinée pour rentrer dans les écoles. Pour commencer, je n'allais pas prendre des oeuvres littéraires complexes et Tintin est une des BD les mieux traduites. »
C'est l'association Aliance Culturèla Arpitania, basée à Rochetaillée, qui est à l'initiative de cette traduction. Que fait exactement cette association?
« C'est bien cette association qui s'occupe de tout ça et elle a pour but la reconnaissance de cette langue et la diffusion de ses oeuvres. Elle a, par exemple, scanné des oeuvres de poètes introuvables afin de permettre une plus grande diffusion. »
La réalisation de cet album intitulé L'affére Pécârd a été longue?
« Étant donné les nombreuses langues parlées par chacun des personnages, la réalisation a duré presque quatre ans. »
Comment avez-vous travaillé pour réécrire cette histoire?
« J'ai commencé à tout traduire moi-même. Ce premier travail m'a pris entre six mois et un an. Puis, j'ai envoyé chaque partie à chaque région. Les patoisants des régions concernées nous ont alors aidé pour chacune des langues pratiquées dans cet album. »
Les ayant-droits d'Hergé vous ont tout de suite donné leur accord?
« Le contrat pour les traductions est passé pour chaque langue. La BD est traduite dans environ quatre-vingts langues (catalan, basque ). Nous n'avons eu donc aucun problème avec le droit de traduction. »
À qui s'adresse cet ouvrage?
« À des personnes curieuses de découvrir une langue peu connue, mais aussi à des gens plus familiers aux langues populaires. »
Sa lecture est-elle aisée ?
« Non, la lecture peut être difficile car l'orthographe est très variable. Que l'on soit ou non de la région, la lecture est compliquée. Tout le monde écrit chaque mot de la même manière, mais chacun adapte sa prononciation. »
L'affére Pécârd est disponible au prix de 11,50 euros aux Mille choses, 21 rue Antoine-Durafour à Saint-Étienne.