L'Echo de Savoie n°68 (décembre 2003)
Henriette Walter: "Dominique Stich donne tout pour cette langue savoyarde qui correspond à une eurorégion magnifique".
Depuis toujours, elle défend la diversité linguistique. Cette personnalité respectée, attachante et passionnée du monde universitaire a été la directrice de thèse de Dominique Stich. Elle a été professeur de linguistique à l'Université de Haute-Bretagne, dirige actuellement le laboratoire de phonologie à l'École Pratique des Hautes Études et présentait cet été chaque matin sur France-Inter une chronique sur l'histoire des mots. Elle a préfacé le dictionnaire qui va sortir.
Résumez-nous en quelques mots le travail de D. Stich.
— Dominique Stich propose son écriture supradialectale plus que jamais d'actualité, permettant d'écrire et de faire connaître à ceux qui ne la connaissent pas cette littérature francoprovençale qui est très riche. C'est à l'ordre du jour puisque cela va dans le sens de la reconnaissance des langues régionales.
En Savoie les gens insistaient souvent sur leur patois de pays mais ce que l'on a pu constater à de multiples reprises, c'est qu'entre différentes régions de Savoie et même au-delà avec le Val d'Aoste et certaines régions du Valais, l'intercompréhension était dans l'ensemble bonne. Pour moi le mérite essentiel de D. Stich est de permettre de transmettre cette langue maintenant…
— Le seul problème qu'a eu au départ D. Stich, c'était qu'il n'habitait pas en Savoie pour participer à ces querelles de clocher, mais aujourd'hui il arrive de mieux en mieux à se faire entendre. Il a démontré qu'il était sérieux, qu'il a apporté quelque chose, ses références, qu'il était d'une honnêteté exemplaire, qu'il donne tout en fait. Et puis des gens de qualité comme Alain Favre ou Xavier Gouvert l'ont rejoint dans son travail.
Mais à coté de chez nous le rhéto-romanche est reconnu aujourd'hui par la constitution suisse, l'unification a été faite par un zurichois: le professeur H. Schmitt, en venant de l'extérieur, a mis tout le monde d'accord…
— Mais je crois justement que D. Stich sera l'étranger qui vient donner et qui n'a pas d'intérêts ni pour les uns, ni pour les autres, et qui met toutes les chances de son côté pour que sa méthode s'impose, en plus dans un contexte favorable, avec une ratification de la Charte qui ne va certes pas se faire avec ce gouvernement, mais qui se fera plus tard. Et puis à l'heure de l'Europe des Régions, c'est magnifique, cette chance d'avoir une langue transfrontalière. Oui au centre de l'Europe, avec la Savoie, l'Italie et la Suisse, ça fait une eurorégion formidable et magnifique, que les gens ne connaissent pas encore malheureusement! C'est vrai que c'est une langue qui n'a pas eu de chance avec son nom, mais ça sera du valdôtain au Val d'Aoste et du savoyard ou savoisien en Savoie. La dynamique existe essentiellement en Savoie qui a une espèce d'auréole, mais n'oublions tout de même pas les autres!
(Propos recueillis par Pascal Garnier au salon du livre du Festival Interceltique de Lorient le vendredi 10 août 2001.)
Pour découvrir l'œuvre immense de Henriette Walter: "L'aventure des langues en occident: leur origine, leur histoire, leur géographie" Robert Laffont. 1994. 498p. (149F)
photo numérique "Garnier et Favre": Pascal Garnier (à g.) et Alain Favre.