| | Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune | |
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Nombre de messages : 114 Vellâjo/Lieu : Baragne mondiâla Date d'inscription : 16/12/2004
| Sujet: Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune Lun 6 Juin 2005 - 21:54 | |
| L'Echo de Savoie N°66, septembre 2003.
Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune dans le cadre de l'Europe des peuples.
Par Pascal Garnier
Le seizième colloque national de la FLAREP a eu lieu à Sevrier les 26 et 27 octobre 2002. Après l’Université d’été de la fédération politique Régions & Peuples Solidaires, c’était donc au niveau culturel que les responsables des langues régionales ont tenu à faire leur congrès chez nous. Des présences qui ne sont pas innocentes, les uns et les autres cherchent à savoir ce qui se passe dans cette Région d’un million d’habitants tentant de s'émanciper, désir d'émancipation se traduisant aussi par la recherche de nos racines longtemps occultées par une réussite économique qui manifestement n'aboutit pas à un épanouissement total de ses habitants. L'étonnante résistance de la langue savoyarde. La Fédération pour les Langues Régionales dans l’Enseignement Public (FLAREP) regroupe les principales associations ou fédérations de parents d'élèves et/ou d'enseignants qui œuvrent au développement des langues régionales dans le Service Public d'Éducation. Elle est un instrument de liaison entre les écoles publiques, l'administration et les parents d'élèves. La FLAREP, sur les bases de sa plate-forme de 1988, a créé à travers l'hexagone un réseau d'échanges d'informations et a coordonné une dynamique de valorisation de ces langues qui représentent aujourd'hui autant de ponts de communication en Europe et particulièrement chez nous du francoprovençal avec la Suisse, le Val d’Aoste et le Piémont. Elle organise chaque année un colloque dans une région identitaire. Chez nous, la FLAREP est représenté par l’AES (Association des Enseignants de Savoyard, Odile Lalliard, 45 quai de Ripaille. 74200 THONON) créée voici 3 ans et plus généralement la fédération de la langue savoyarde qui se nomme Lou R’biolon ("le germe" en savoyard ou "diwan" en Breton). L’organisation de ce colloque relevait du défi puisque l’enseignement du savoyard est encore embryonnaire. Quelques centaines d'élèves suivent chaque année une sensibilisation à la langue savoyarde, surtout dans le cadre du concours Constantin et Désormaux. En Savoie, le francoprovençal n'a aucune expression publique dans les journaux, à la télévision locale ou à la radio. Pourtant les représentations en langue savoyarde attirent quelques dizaines de milliers de personnes par an, la fête du francoprovençal qui a lieu chaque année dans un des quatre pays parlant francoprovençal rassemble des milliers de participants et les musiciens traditionnels sont plutôt meilleurs que dans les régions voisines et connaissent plus de succès. La manifestation s’est déroulé sur trois jours: le premier en Savoie, le second en Suisse et le troisième au Val d’Aoste; le thème central en était "Les langues régionales et territoriales, enjeux et stratégies". Et ces voyages ont permis aux nombreux invités venus de l’extérieur de se rendre compte qu’au-delà de la Savoie existait une communauté culturelle et linguistique autour du francoprovençal. D'aucuns diront que le francoprovençal est éteint en Savoie. Un récent sondage auprès de 400 personnes, réalisé auprès d'un échantillon représentatif de la population savoyarde au cours de l'année universitaire 1999-2000 par trois étudiantes (Rachel Bel, Angélique Fernandez et Sandra Pestanat) du département "Techniques de commercialisation" de l'IUT d'Annecy, montre qu'il n'en est rien. Son maintien est tout à fait étonnant étant donné que les pouvoirs publics n'ont fait absolument aucun effort pour le sauvegarder et que tout le travail qui a été mené repose sur les épaules de quelques bénévoles. Tout d'abord 95% pensent que le savoyard fait partie des racines et du patrimoine de la Savoie, qu'ils veulent conserver à 71,5%; seuls 25,8 sont indifférents quant à son éventuelle disparition et 2,8% verraient ce fait s'accomplir d'un bon oeil. 53,5% voudraient que le savoyard soit enseigné aux nouvelles générations. Les gens aiment donc leur langue populaire. En ce qui concerne la pratique, les résultats sont assez surprenants et beaucoup plus réconfortants en Savoie du Nord qu'en Savoie du Sud. 39,3% en Savoie du Nord et 48% en Savoie du Sud avouent n'avoir aucune connaissance de la langue savoyarde. Respectivement 35,3% et 37,8% pensent avoir quelques connaissances, 15,1 et 12,8% un niveau moyen, 5,6 et 0,7% une bonne pratique et 4,8 et 0,7% une parfaite maîtrise. On peut penser que le travail effectué par la fédération de la langue savoyarde Lou R'biolon, beaucoup plus dynamique en Savoie du Nord qu'en Savoie du Sud, n'est pas pour rien dans les résultats obtenus. L'univers du savoyard ne leur est pas si étranger puisque 78,3% des personnes interrogées entendent de temps à autre parler savoyard et que 15,5% le parlent occasionnellement, 3,5% assez souvent, 1,8% très souvent. Une émission sur France-Culture récemment présentait des gens qui parlaient quotidiennement savoyard à Saint-Martin de Belleville dans la vallée du même nom en Tarentaise. Dernier élément intéressant de ce sondage dont l'échantillon n'était constitué que de 69,5% de personnes d'origine savoyarde: 65,1% de leurs ancêtres parlaient savoyard ce qui signifie clairement que jusqu'à une date récente la quasi-totalité de la population de "souche" pratiquait cette langue. Il est donc logique que 58,8% des gens pensent que la langue savoyarde devrait être considérée comme une langue telle que le basque ou le breton, que l'on pourrait présenter comme option au baccalauréat. Tous ces éléments nous amènent à penser que dans un État respectueux de la culture de ses citoyens, la langue savoyarde devrait être reconnue et bénéficier d'un soutien officiel.
Parlons francoprovençal avec Dominique Stich.
En réaction à ces constats (et à une autre étude réalisée au Val d'Aoste, dont nous publierons les résultats dans notre prochaine édition), certains en Savoie veulent tenter quelque chose. Un espoir est apparu avec la publication de l'ouvrage de Dominique Stich (Dominique Stich. "Parlons francoprovençal: une langue méconnue". Editions l'Harmattan. 1998) Mais il a fallu d'abord gagner la bataille contre les dialectologues, qui dans l'étude du francoprovençal mettent l'accent uniquement sur les différences d'un village ou d'une vallée à l'autre, empêchant ainsi l'émergence d'une langue commune. Et en Suisse, en Savoie ou au Val d'Aoste, la scène universitaire est dominée par les dialectologues. L'ouvrage englobant d'un linguiste comme Stich a eu le mérite de montrer que partout le fond de la langue était le même et qu'il existait par conséquent véritablement une langue francoprovençale. Pour la première fois, le public a pu se rendre compte qu'une communauté francoprovençale existait. Sa graphie ORA (Orthographe de Référence A), ainsi que la prononciation proposée PRA (prononciation de Référence A), se rapprochent des méthodes de l'IEO (Institut d'Études Occitanes), de la graphie du professeur Heinrich Schmid pour le rhéto-romanche, et d'autres codifications récentes de plusieurs langues romanes. Après divers débats et colloques (notamment à Thonon au printemps 2002), et une présence sur le terrain très active, la graphie de Dominique Stich a fini par s'imposer en Savoie comme une évidence et la seule possibilité de transmission de la langue savoyarde dans les écoles ou aux populations urbaines qui ne la parlent plus. Des ajustements ont été déduits la pratique de terrain pour donner naissance à l'ORB (Orthographe de Référence B). Dans le même temps, Dominique Stich soutenait brillamment sa thèse en Sorbonne avec les meilleurs linguistes et spécialistes des langues minoritaires. Sa directrice de thèse était la célèbre linguiste Henriette Walter, et figurait dans le jury JB Martin, un spécialiste lyonnais du francoprovençal. Il restait encore un travail fondamental à faire: élaborer un dictionnaire accessible au grand public. Depuis maintenant un an et demi, un professeur des écoles, déjà co-auteur d'une "Histoire de la Savoie" mais également secrétaire du MRS (Mouvement Région Savoie), Alain Favre, s'est attelé à la tâche avec un jeune professeur certifié de lettres classiques, Xavier Gouvert, en coopération avec le docteur Stich. Après deux ans d'efforts acharnés, à l'automne 2003 cet ouvrage sortira: il comportera un dictionnaire, une grammaire, une liste de néologismes et une anthologie littéraire. Simultanément, un auteur valdôtain nommé Florent Corradin, qui a publié plusieurs romans rédigés en francoprovençal, a décidé pour son prochain livre d'adopter la graphie Stich. Comme Dominique Stich, Florent Corradin écrit "pour les milliers de personnes qui ne l'ont jamais entendu ou ne le parlent pas mais veulent l'entendre." Il ne comprend pas que le grand poète valdôtain contemporain Marco Gall soit obligé d'écrire ses textes en trois langues: le patois de son village, l'italien et le français. Il suffirait à Marco Gall d'adopter la graphie Stich pour éviter deux traductions et se faire immédiatement comprendre de tous ses lecteurs... Dans l'Écho de Savoie, nous avons lancé ce débat, dès juin 2000, sur le travail de Dominique Stich: nous n'avons pas hésité à prendre parti pour sa méthode, seule voie possible pour tenter un sauvetage de la langue populaire savoyarde. Florent Corradin déclarait lors de notre dernière réunion de travail à Carema au Piémont, les 1 et 2 mars 2003: "Cette étape essentielle doit nous permettre de passer du dilettantisme au professionnalisme pour faire naître une Académie du Francoprovençal."
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| Sujet: Re: Le francoprovençal en Savoie: vers une langue commune Lun 6 Juin 2005 - 22:03 | |
| La situation valdôtaine: quelle politique linguistique? Lorsque l’on évoque le francoprovençal, l’exemple valdôtain vient toujours à l'esprit. Or il se trouve que la Fondation Émile-Chanoux a effectué une vaste enquête sociolinguistique en 2001, avec l'aide de l'Union européenne, dans le cadre de l'année européenne des langues. Le questionnaire, auquel ont répondu 7250 personnes, a été élaboré par des chercheurs du Centre d'Études Linguistiques pour l'Europe et de l'Université de Trente (Région du Trentin Haut-Adige, en Italie). Les résultats ont été rendus officiels au cours de l'année 2002 et peuvent être consultés sur le site Internet de la Fondation: <http://www.fondchanoux.org/site/pages/sondage.asp> Dans l'état actuel des choses, d’après les résultats de cette enquête et la réponse à une question essentielle, "Quelle est votre langue maternelle?", les langues acquises dans leur enfance par les habitants de la région d'Aoste sont d'abord l’italien (71,58%) —à cet égard, lorsque l'on se ballade dans les rues d'Aoste, on se rend compte que l'italianisation de la vallée est aussi évidente que la francisation de la Savoie— puis le francoprovençal (16,99%); suivent de loin dans l'ordre le calabrais (1,12%), le piémontais (1,02%), le français (0,99%), le vénitien (0,41%), le sarde (0,15%), le walser (600 personnes ou 23,23% des Walser installés dans la vallée de la Lys sur trois communes et parlant un dialecte germanique). Bref, le Val d'Aoste se présente comme une région multilingue au sein de laquelle se côtoient plusieurs langues de la péninsule italienne. Mais les habitants du Val d'Aoste sont majoritairement attachés à l'italien (60%) devant le francoprovençal (29,67%) et le français (2,97%). Ce sondage, a priori favorable pour l’avenir du francoprovençal, l'est moins lorsque l’on prend connaissance qu'environ 5% des Valdôtains utilisent le francoprovençal comme langue de transmission à leurs enfants, alors qu'il n'est parlé que par 7% des habitants de la vallée. Si cette tendance devait continuer, le francoprovençal serait sur la voie de l'extinction d'ici une décennie. Cependant, les Valdôtains parlant le francoprovençal parlent également le français comme langue seconde et l’écrivent souvent. Autrement dit, les Valdôtains parlent normalement l'italien ou le francoprovençal, mais écrivent en italien ou en français. Cela signifie que les Valdôtains "francophones" ne parlent pas le français comme langue maternelle, puisque c’est toujours une langue seconde pour eux, mais c’est, avec l'italien, l'une des langues écrites. Dans le passé, la bourgeoisie valdôtaine parlait français, mais aujourd’hui on compte fort peu de Valdôtains dont le français est encore la langue maternelle. Le récent sondage de la Fondation Émile-Chanoux montre que le français n'est la langue maternelle que de 0,99% des Valdôtains; pourtant plus de 70% connaissent cette langue par le fait que tout au long de leur cursus scolaire, de la maternelle à la terminale, les enfants valdôtains reçoivent un enseignement en français à parité avec l'italien. De toutes les langues usitées au Val d’Aoste, seul le français bénéficie de mesures de protection juridique en raison de son caractère de co-officialité avec l'italien. Dans la plupart des villages où résident des Valdôtains, la situation est complexe car ceux-ci pratiquent une sorte de triglossie: ils parlent généralement le francoprovençal à la maison (à 31,5% contre 30,5 % l'italien, 7,22% un mélange d'italien et de francoprovençal et seulement 0,51% le français uniquement) mais le français à l’école et l'italien dans la vie publique. La loi italienne mentionne spécifiquement, parmi les langues minoritaires "protégées", le français et le francoprovençal. Dans son article 2, elle énumère les langues minoritaires concernées par la loi: le français et le francoprovençal, et aussi l'albanais, le catalan, l'allemand, le grec, le slovène, le croate, le frioulan, le ladin, l'occitan et le sarde. La loi prévoit les mêmes normes d’application que la loi de 1991 en matière de protection linguistique. Il faut d’une part qu’une minorité linguistique forme au moins 15% de la population d’une commune, d’autre part que le Conseil provincial et le tiers au moins des conseillers municipaux aient approuvé la procédure d’adoption prévue par la loi, pour que l'enseignement de la langue minoritaire soit organisé. Pourquoi une telle pratique ne pourrait pas être possible au Val d'Aoste pour le francoprovençal? Cela nous semble assez mystérieux: contrairement à ce qui s'est passé dans les vallées francoprovençales du Piémont, aucune municipalité n'a voté pour que cette loi s'applique au Val d’Aoste, alors que toutes les conditions sont réunies. Son application en serait d'autant plus aisée et efficace que le bain linguistique dans lequel vivent les Valdôtains est beaucoup plus francoprovençal que francophone! Le francoprovençal est même autorisé à l'oral, de façon non officielle, dans les rapports entre l'administration régionale et les citoyens. Cependant, on peut affirmer que les autorités ne sont pas du tout intéressées à instaurer l'usage du francoprovençal dans le domaine des services. Ainsi des demandes formulées en francoprovençal à l’administration demeurent sans réponse; d’ailleurs, les documents et formulaires ne sont pas rédigés en francoprovençal. Le francoprovençal est également absent de l'éducation préscolaire et les écoles primaires. Il y apparaît seulement dans le cadre des recherches scolaires sur la tradition culturelle, par exemple la viticulture, la cuisine traditionnelle et la toponymie: c’est ce que l'on fait dans le cadre du concours Constantin et Désormaux en Savoie, au Val d'Aoste c'est le concours Cerlogne. Mais cela donne la plupart du temps une vision du francoprovençal comme une langue du passé, pas du tout adaptée au monde moderne. Dans l'enseignement secondaire, le francoprovençal est totalement absent. C'est ce que souligne le secrétaire du MRS Alain Favre: "Dans les écoles (et il m'est arrivé d'enseigner au Val d'Aoste) il est à peu près exclu, voire interdit de fait, en dehors du concours Cerlogne qui n'incite d'ailleurs pas vraiment à le parler.[…] Pour revenir au Val d'Aoste, il est clair qu'il y a une véritable volonté de relancer le francoprovençal dans la population de la région, qui ne sait pas comment s'y prendre, entre la francophonie officielle (et ses résultats désastreux) et certains "spécialistes". Le problème est qu'il s'agit d'une langue sans prestige pour ses locuteurs, qui ignorent en particulier la riche littérature en francoprovençal". Les résultats de l'enquête vont totalement dans ce sens: 29,87% des Valdôtains estiment que l'on ne fait pas assez pour le francoprovençal à l'école, 31,92% dans l'administration publique, 33,47% dans les médias. Ils se montrent assez durs envers leurs dirigeants puisqu'ils estiment que les autorités ne font "rien du tout" dans l'administration publique (28,26%), dans les médias (33,47%) et à l'école (39,02%). Quant à ceux qui estiment qu'elles en font trop, les pourcentages sont très faibles, voisins de 5%. Ce que veulent d'abord les Valdôtains (à 60,96%), c'est un enseignement facultatif du francoprovençal, 8,18% voudraient même que l'enseignement du valdôtain soit obligatoire, et 3,2% que ce soit la langue qui serve à enseigner d'autres matières. Seuls 23,08% se satisfont de la situation actuelle. Seul point positif pour l’instant: le succès de l’université populaire qui a ouvert ses portes voici trois ans et qui s’adresse aux adultes: elle n'a été créée que le jour où le gouvernement régional de la Vallée a reçu une subvention de l'Union européenne. Là encore les documents luxueux mis au point pour cet enseignement montrent que les autorités ne veulent pas faire du francoprovençal une langue moderne, mais le présentent dans un contexte rural suranné très éloigné de la vie quotidienne des jeunes. Beaucoup souhaiteraient que les autorités régionales prennent des mesures pour mettre en valeur le patrimoine francoprovençal à l’école, mais force est d’admettre un déclin manifeste dans son emploi dans les écoles valdôtaines actuelles. Dans les médias (radio, TV et journaux), il est également quasiment absent (à l’exception notable de certaines revues spécialisées à diffusion relativement confidentielle comme "Lo flambô"). À coté du francoprovençal, le français est passablement maîtrisé comme langue seconde par une bonne partie de la population d'origine francoprovençale, il n'est la langue première que d'une partie marginale de la bourgeoisie urbaine, alors que le "patois" francoprovençal, maintenu dans des usages informels, garde une forte valeur symbolique. Certains députés italiens estiment même que le bilinguisme officiel du Val d’Aoste, avec la parité légale du français et de l'italien, sert de prétexte au gouvernement régional pour conserver des privilèges fiscaux liés au statut d'autonomie, malgré une situation linguistique de fait où l'italien domine largement. De notre côté, nous ne pouvons que constater que le mythe de la francophonie au Val d'Aoste sert encore la Vallée d'un point de vue commercial. Ainsi toute la politique touristique élaborée par le gouvernement régional et l'office du tourisme de la Vallée en direction de la France est basée sur la francophonie valdôtaine. Les hebdomadaires français lus par les classes moyennes à pouvoir d'achat substantiel, comme le Nouvel Observateur, l'Express ou encore très récemment Télérama, expliquent à leurs lecteurs dans de luxueux encarts publicitaires qu'aller passer ses vacances dans la Vallée permet de bénéficier des avantages de l'Italie sans en avoir les inconvénients, grâce à l'usage répandu du français. Ainsi le francoprovençal est toujours considéré par les autorités uniquement comme un dialecte du français mais jamais comme une langue en tant que telle, discours qu'absolument aucun linguiste ne peut considérer comme sérieux aujourd'hui. Outre-Alpes la reconnaissance du francoprovençal est effective, les effets pratiques de cette reconnaissance restant toutefois assez limités. Chez les Gaulois du ministère de l'Éducation nationale, le très mondain et parisianiste Ferry et le très jacobin Darcos ne semblent pas prêts à laisser tomber le fameux article 2 de la Constitution qui stipule que la langue de la République est le français... En dehors même des blocages institutionnels, de nombreux obstacles subsistent pour qu'une transmission du francoprovençal puisse se faire dans ces deux régions alpines (Savoie et Val d'Aoste) dont les liens sont multiséculaires. Ainsi le projet assez élaboré de créer un office de la langue savoyarde et francoprovençale semble pour l'instant au point mort. Alain Favre résume bien la situation: "Année après année les locuteurs "maternels" du francoprovençal disparaissent en grand nombre, au Val d'Aoste et ailleurs, par le phénomène naturel du remplacement des générations. Effectivement beaucoup de parents n'ont pas transmis une langue considérée comme un obstacle à la modernité. Par ailleurs certains patoisants sont très durs envers les néolocuteurs, qui n'auraient pas le bon accent... Le problème n'est pas là. Les enfants de ceux qui baragouinaient l'hébreu avec un horrible accent yiddish ou autre aujourd'hui le parlent très bien. Si les patoisants disparaissent, cela pourrait être au profit d'une nouvelle génération francoprovençale capable de parler une langue commune, teintée parfois de particularités lexicales et phonétiques régionales, mais compréhensible pour tous les autres et basée sur des références culturelles disposant d'un certain prestige. Il y a une sorte de reconversion à faire, sinon ce sera le désastre. Par ailleurs la survie de la plupart des patois, ou dialectes villageois, me semble impossible en tant que tels dans la société actuelle, même au Val d'Aoste où l'échelon communal est encore assez important dans la vie sociale." | |
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