Un bouquin intéressant que je viens de finir, "Mémoires croisées 1940-1945" de Josette Buzaré aux éditions de l'Astronome.
Elle rapporte les témoignages de 3 hommes, agés de moins de 20 ans au début de la guerre, et dont les parcours vont les emmener au plus profond de l'horreur, Raymond Steffann, Alsacien Malgré-Nous, Jean Gilbert annécien et Walter Bassan savoyard d'origine italienne.
Hormis la gravité des choses dont ils témoignent, le message principal qu'ils nous transmettent est bien entendu le devoir de mémoire et surtout celui de résistance face au totalitarisme et pour la défense de la Liberté.
p.164
"Tous les déportés, dans les premières années suivant la guerre, n'aimaient pas remuer l'horrible boue des camps qu'ils avaient enfouie au plus profond d'eux-mêmes. Mais les années passant, voyant que leur terrible aventure n'avait pas servi de leçon, que dans le monde entier renaissaient les fleurs de mort des camps de concentration sans cesse créés au nom d'idéologies dangereuses, ils sentirent la nécéssité de parler pour dire aux jeunes ce que la bête immonde terrée au fond de certains hommes est capable de faire.
Résister ! Toutes les manifestations de résistance, de la plus infime à la plus probante, si elles ne sauvèrent pas le soldat engagé dans une guerre qui n'était pas la sienne, le prisonnier séquestré dans une geôle étrangère, le déporté torturé dans un camp de concentration, leur donnèrent cependant le sentiment de conserver intact l'honneur d'être "humain".
Aujourd'hui, les survivants témoignent, c'est leur façon de résister encore.
Car, à une époque où l'incertitude et le doute rongent le coeur de la plupart d'entre nous, il faut dire le courage dont est capable l'être humain pour lutter contre tous les totalitarismes au nom de la Liberté."
p.165
"En 2005, l'écrivain anglais John Berger, lui écrivait [à Walter Bassan]:
[...]
Et dans votre évocation des événements nous sommes également confrontés à une autre forme perverse de comportement qui est aussi insidieuse que le racisme. Les Anglais ont inventé un terme pour ces praticiens. Ils les appellent "les tueurs en bureaux". C'est-à-dire les hommes (et parfois les femmes) dirigeants ou administrateurs qui ne quittent jamais leur bureau et qui, tranquillement, méthodiquement, avec la conscience légère, coordonnent, organisent, inventent sur le papier, tout un mécanisme, qui, loin de leur existence, vont menacer, bouleverser, détruire, supprimer d'innombrables milliers de vies.
Les tueurs en bureaux annihilent doucement et impitoyablement. Aujourd'hui ils dévastent la vie sur une grande partie de la planète.
Parlez avec les jeunes de ce sujet.
Fraternellement.
John Berger."